SATRAQ

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SATRAQ est un projet Interreg sur 3 ans, lancé en 2020 pour 3 années et qui s’est clôt fin 2022. Son but ? Interroger nos habitudes de consommation d’alcool et agir en territoire transfrontalier pour une meilleure santé.

Une initiative transfrontalière : 

Le projet SATRAQ (signifiant Sensibilisation et Action Transfrontalière pour une Réduction de la Consommation de l’Alcool au Quotidien) a pour objectif de sensibiliser la population de part et d’autre de la frontière franco-belge à propos de sa consommation journalière d’alcool grâce à un message de santé identique en France et en Belgique, d’informer des accompagnements possibles en cas de consommation excessive et de renforcer les réseaux de professionnels présents sur le territoire transfrontalier. Il s’inscrit dans le programme transfrontalier Interreg V de coopération territoriale européenne (France-Wallonie-Vlaanderen). 

En matière de coopération transfrontalière dans le domaine de la santé et des addictions, les acteurs locaux utilisent déjà les possibilités de prise en charge sanitaire tels que les SMUR (Service Mobile d’Urgence et de Réanimation) ou les ZOAST (Zones Organisées d’Accès aux Soins Transfrontaliers) pour les coopérations inter hospitalières. Avec SATRAQ, l’enjeu était d’aller plus loin que les dispositifs actifs dans la prise en charge des addictions, en les complétant par une dynamique transfrontalière en prévention et en promotion de la santé. Les politiques régionales allaient dans le même sens :  la Wallonie encourage les acteurs en promotion et prévention de la santé à s’engager dans une démarche d’agrément (avec en outre, la relance par le gouvernement belge du « plan alcool »), tandis que l’Agence Régionale de Santé Grand-Est fait de la prévention des conduites addictives l’un des axes prioritaires de son Projet Régional de Santé 2018-2028. 

La population frontalière est en partie composée de travailleurs frontaliers (80% des travailleurs français entrants en Belgique travaillent en province du Hainaut, Luxembourg et Namur, qui, elles, drainent 81% des travailleurs belges frontaliers allant en France[1] ). Cette population est moins susceptible de bénéficier des messages de prévention et des prises en charges organisées au niveau national, en raison de leur statut et de leurs habitudes transfrontalières notamment au niveau des soins de santé. Ces habitudes rejoignent le besoin de messages uniformes et de ressources pensées dans un espace de vie commun transfrontalier.
 
Le projet a ciblé les provinces du Hainaut, de Namur et de Luxembourg (n Belgique), et, en France, le département des Ardennes, les villes de Reims (département de la Marne), d’Avesnes-sur-Helpe (département du Nord) et de Vervins (département de l’Aisne). Les opérateurs belges ont été le Centre d’Éducation du Patient asbl (CEP) et la Mutualité Chrétienne (MC). En France, les pendants ont été la Caisse Primaire d’Assurance Maladie des Ardennes (CPAM) et Addiction Champagne-Ardenne (ADDICA). Les partenaires associés ont été l’Agence pour une Vie de Qualité (AviQ) (B), l’Hôpital psychiatrique de Bertrix (B) et l’Agence Régionale de Santé Grand-Est (ARS) (FR). La CPAM, la MC et le CEP avaient déjà travaillé ensemble sur un précédent projet Interreg encourageant  une meilleure santé cardiovasculaire : le projet ICAPROS[2]  (Instance de Coordination des Actions pour la Promotion en Santé franco-belge). 

Les constats à l’origine du projet

La France et la Belgique font partie des pays où la morbidité liée aux consommations d’alcool est très élevée. Ainsi, en 2016, si l’Europe, affiche une consommation de 9,8 litres d’alcool pur par habitant, en Belgique, la consommation est de 12,1 litres contre 12,6 litres en France[3] . Responsable de 5% et 7% des décès en Belgique et en France, la consommation d’alcool y est la deuxième cause de mortalité évitable après le tabac. Au-delà des décès, lL’alcool a également un impact délétère sur 200 pathologies, atteintes  et traumatismes (cancers, maladies cardiovasculaires, accidents, actes de violence, …). Or, c’est aussi un produit socialement valorisé dans nos deux pays, ancrée dans les habitudes de vie et associé à des moments de vie festifs (pot entre collègues, naissance, bon repas…). Ainsi, en Belgique comme en France, 10% de la population  boit tous les jours de la semaine et 40%  consomme au moins une fois par semaine. 

La situation sanitaire est préoccupante en zone frontalière couverte par SATRAQ. L’espérance de vie à la naissance y est plus basse que dans les autres régions de France et de Belgique. Cette mortalité prématurée est en partie imputable à l’alcool et au tabac. En effet, un certain nombre de pathologies ou accidents (liées à la consommation d’alcool) y sont fortement prévalentes (cancer colorectal, des voies aérodigestives ou encore du sein, les maladies cardio-neurovasculaires, les suicides, les accidents de la circulation). La santé de la population pourrait donc être améliorée grâce à de meilleures habitudes de vie, dont la  réduction des consommations de boissons alcoolisées. 

En effet, les risques et les dommages sur la santé liés à cette consommation ne sont pas obligatoirement liés à la dépendance. On parle alors de « mésusage » (voir Encadré). Selon la SSMG (Société scientifique de médecine générale) près de 25% des patients vus en consultation sont concernés par ce mésusage et 50% des morts prématurées liées à l’alcool touchent des personnes non dépendantes. La population active et les plus de 65 ans sont particulièrement à risque. 

Dans la pratique, les consommations excessives ne concernent pas uniquement les jeunes, qui sont souvent le public cible en matière de prévention concernant l’alcool. Leurs ainés boivent aussi parfois en excès, mais différemment. Plus on avance en âge, plus on trouve de consommateurs quotidiens et moins de consommation excessive répartie sur un à deux jours de la semaine. Ainsi, moins de 4% des wallons de 31 à 45 ans boivent quotidiennement alors qu’ils sont plus de 14% parmi les 46-60 ans.[4] 

Selon les estimations de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), « … quatre consommateurs d’alcool sur cinq réduiraient leur risque de décès, quelle qu’en soit la cause, s’ils réduisaient leur consommation d’alcool d’une unité par semaine. Il est donc largement possible d’améliorer le bien-être des consommateurs et de la société de façon générale, d’autant qu’on n’a jamais disposé de données aussi nombreuses ni aussi détaillées qu’aujourd’hui montrant l’ampleur des risques liés à l’usage nocif de l’alcool et l’efficacité des multiples mesures que les pouvoirs publics peuvent prendre pour en corriger les méfaits. … »[5]

Sensibiliser le public en améliorant la connaissance des risques pour la santé de la consommation d’alcool
Une campagne grand public et un slogan pour faire connaitre les repères de consommation.

Une campagne grand public a été menée autour d’un slogan : « Après 2 verres c’est…Non merci ! ».
L’objectif principal de cette campagne ? Faire connaitre au plus grand nombre les repères de consommation d’alcool (10/2/0) entrainant un moindre risque pour la santé. Ces repères – ainsi que la définition du mésusage – ont fait l’objet d’une concertation des experts du comité scientifique du projet afin d’avoir un message unique sur l’espace transfrontalier.
La communication de masse représente un climat anonyme, où chacun peut ou non se reconnaître. En diffusant un même message par divers canaux (radios et TV locales, affichage…) tant sur le versant français que belge, les opérateurs ont souhaité toucher le plus grand nombre via une communication cohérente et répétée.. Des affichages sur des bus ont eu lieu en France. Des affiches, flyers et outils de prévention ont été conçus et distribués (près de 10 000 exemplaires) dans le cadre des diverses activités du projet.

Des animations en entreprise et en stands

Pour sensibiliser les gens dans leurs lieux de vie , des animations en entreprises ont été mises en œuvre avec des services de médecine du travail. . Les obligations liées à la situationitaire lors du déploiement des actions du projet,  ont nécessité de s’adapter : les animations sont devenues des expositions , moins contraignantes pour la vie et le rythme des entreprises. Pour être sur le terrain au plus proche des publics (jeunes, travailleurs ou seniors), les opérateurs ont aussi investi des forums, stands de prévention…L’important était d’être là : dans un marché à Revin (FR), lors d’animations vers les travailleurs de la DTO8[6] , de Stellantis, d’Adler Pelzer sur Charleville… Du côté belge, à Arlon, Libramont, Bastogne, Marche, Bertrix … les partenaires ont rencontré, toujours en animations, des bénévoles de la Mutualité Chrétienne (MC), des étudiants et des collaborateurs du CESI.[7] Les interventions ont privilégié des formules interactives et ludiques favorisant le dialogue et la réflexion, via un jeu de questions-réponses autour de l’alcool et des fausses croyances, des exercices de mesure des unités standards ou des lunettes de simulation. Des réglettes ou des verres doseurs ont été également distribués . Au total39 animations (23 en ateliers et 6 via des  stands prévention)ont été organisées, touchant environ 1223 personnes. 


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Former les professionnels de la santé et du social à la question de la consommation d’alcool

Le problème est connu mais peu de professionnels, y compris les médecins généralistes, se sentent légitimes et compétents pour aborder le mésusage de l’alcool. Comment ouvrir le dialogue sur cette question « sensible », et, plus encore, que faire des réponses, vers qui référer au besoin ? Pour répondre à ces difficultés, des formations transfrontalières à la méthode du Repérage Précoce et de l’Intervention Brève (RPIB) mêlant formateurs français et belges, ont été initiées. Elles ont permis de faire connaître les relais de part et d’autre de la frontière, en créant aussi de nouveaux contacts. 15 professionnels de santé français et belges, formés en addictologie et à la méthode du RPIB, ont animé la partie théorique de ces formations. Le contenu des formations a aussi tenu compte des différents freins relevés lors de précédents déploiements du RPIB notamment en France. Pour renforcer la légitimé des professionnels à aborder la question des consommations, le projet SATRAQ a développé un micro-trottoir diffusé lors des formations.[8] Pour permettre une appropriation de la méthode, des mises en situations et jeux de rôle ont été mis sur pied, avec  un comédien formé en addictologie, qui adaptait son intervention en fonction de la situation professionnelle de son interlocuteur, avec un débriefing collégial. Cette méthode a permis aux participants d’expérimenter les concepts présentés et de partager leurs connaissances. 35 formations ont été ainsi réalisées en Belgique et en France, avec des profils professionnels multiples : médecins généralistes, médecins du travail, infirmiers, kinésithérapeutes, pharmaciens, assistants sociaux, éducateurs, aides-soignants, encadrants d’équipe, aides à domicile…. Cette pluridisciplinarité permet des échanges fructueux de ressources et de bonnes pratiques. Pour les formations, une évaluation à 6 mois montre que 80% des répondants ont utilisé la méthode depuis leur formation, 60% abordent plus régulièrement les consommations d’alcool avec leurs interlocuteurs et 58% se sentent plus à l’aise pour aborder le sujet. Le projet SATRAQ démontre ainsi que les formations qu’il a déployées ont un réel impact dans la durée, sur la pratique de la plupart des professionnels qui y ont participé.

Les perspectives

A l’issue du projet, sur la base de la littérature scientifique, d’entretiens avec les acteurs de terrain et des évaluations des actions du projet, les partenaires ont créé une fiche thématique ns laquelle ils formulent trois grandes recommandations pour une politique de prévention plus efficace : sensibiliser le public, former les professionnels et adopter une stratégie européenne autour de l’alcool déclinable à l’échelle de chaque pays et qui ne soit pas que pour les jeunes. Bien que clos, les animations en entreprise, les formations de professionnels se poursuivent en 2023 par le CEP et les synergies avec les référents hospitaliers  (CHUR de Namur, EpiCURA, Grand-Hôpital de Charleroi) permettent de continuer le travail de formation des professionnels. 

Les repères de consommation 10/2/0 : 

10 unités standards au maximum par semaine

2 verres standards par jour au maximum

Plusieurs jours d’abstinence par semaine. 

Le mésusage débute quand on dépasse les repères 10/2/0, et/ou lors de n’importe quelle consommation dans certaines circonstances (enfance, grossesse, conduite de véhicule, maladie…).

Les outils de communication et de sensibilisation développés par SATRAQ sont  disponibles en téléchargement gratuit sur le site  www.preventionsante.eu.

[1] Source INAMI-chiffres de 2019. https://www.riziv.fgov.be/SiteCollectionDocuments/statistiques_travailleurs_frontaliers_2019.pdf
[2] Voir « ICAPROS, un programme transfrontalier de prévention et promotion de la santé cardiovasculaire », Education Santé n° 271, octobre 2011. 
[3] Source : World Health Organization, Global status report on alcohol and health, sept. 2018. 
[4] Source : L. Gisle. S. Demarest. S Drieskens . Enquête de santé 2018 : Consommation d’alcool. Bruxelles, Belgique : Sciensano. 
[5] OCDE, Lutter contre la consommation nocive d’alcool : Politiques économiques et de santé publique, 2015, p.15
[6] DT08 : délégation territoriale des Ardennes (Agence Régionale de Santé).
[7] Le CESI,  est un Service externe de prévention et de protection au travail belge, veille en Belgique dont le rôle consiste à veiller au bien-être des travailleurs des entreprises affiliées.
[8] https://www.youtube.com/watch?v=d7e6TA__MBw